Cette note vise à expliquer brièvement les objectifs, l’organisation, et fournir une première évaluation d’un dispositif hybride de production et de partage de connaissances dans le cadre d’un colloque des derniers Entretiens Jacques Cartier à Montréal en octobre 2017[1]. Le dispositif proposé aux participants combinait une activité de colloque classique, mais dédiée au dialogue entre milieu de la recherche et milieu professionnel, et un atelier de codesign prospectif visant à produire des connaissances à la fois innovantes, et spécifiques aux attentes de développement de l’un des partenaires majeurs du colloque, également lieu d’accueil, la Société du Parc Jean Drapeau.
- contexte
Ce dispositif est né de la rencontre de 2 démarches. La première était liée à la contrainte d’articuler 2 thématiques qui intéressaient également les différents partenaires (Universitaires, publics, privés..) soucieux d’organiser un colloque « transport et mobilité urbaine » dans le cadre des 30è EJC, soit les défis de la mobilité urbaine sobre, et la mobilité vers les grands parcs urbains. Compte-tenu du caractère plus territorial de ce thème, l’idée est venue, plutôt que de procéder à une juxtaposition plus ou moins significative et un peu diluée de ces deux thématiques, de partir des enjeux concrets liés à l’accessibilité d’un grand parc urbain, et de leur évolution dans le futur, pour amener les participants venus de tous les horizons à cette occasion, à s’intéresser à ces enjeux, participer à leur redéfinition à la lumière de leurs expériences et expertises croisées, et déboucher sur des connaissances nouvelles et partageables.
Dans le même temps, le Lab Ville prospective de la faculté de l’aménagement de l’UdM, associé à la définition du programme de ce colloque, a été approché par la Société du Parc Jean Drapeau afin d’intégrer une démarche de prospective à la réflexion sur l’élaboration du futur Plan directeur du Parc. La méthode choisie pour cet exercice de prospective est celle du codesign prospectif qui s’appuie sur plusieurs principes : la mobilisation de scénarios d’usages comme véhicules de découverte et d’exploration, une démarche de créativité collective avec des parties prenantes et l’approche prospective qui consiste à se projeter dans des futurs possibles pour revenir aux enjeux du présent sans être prisonnier de leur définition routinière. Parmi ces enjeux, ceux liés à la mobilité urbaine et à l’accessibilité du Parc occupent une place centrale. L’innovation proposée a été de saisir l’occasion présentée par les EJC pour organiser au sein du colloque un atelier de codesign prospectif intitulé Le parc Jean-Drapeau en 2037 : quels nouveaux usages, quelles nouvelles expériences urbaines et quelles mobilités ? en profitant de la co-présence d’expertises et d’expériences très variées tant sur le plan du contexte géographique, culturel, que disciplinaire, ou encore sur le plan du mélange entre chercheurs, professionnels et public intéressé.
- organisation
Le colloque Mobilité et transports urbains face aux défis de la sobriété a été organisé sur deux journées : une journée d’échange entre chercheurs et praticiens de facture plus classique, alternant conférences et tables rondes. Ce format de type journée d’étude s’inscrit dans une série de colloque dédié au dialogue praticiens/chercheurs sur le thème de la mobilité et des transports urbains depuis 2013. Cette continuité sur un cycle de quelques années est indispensable pour créer des liens transcontinentaux d’interconnaissance, qui permettent une réelle capitalisation et un approfondissement du contenu des échanges comme de leur qualité. C’est aussi cette interconnaissance, et la confiance qui en nait, qui a permis d’amener aussi facilement l’innovation dans l’événement. L’organisation des tables rondes, pour classique qu’elle soit, demande néanmoins un soin réel dans l’équilibre entre représentants des milieux universitaires et professionnels, sans hiérarchie préétablie, et un début d’hybridation des connaissances par la diversité choisie des approches qui sont mis ensemble.
La deuxième journée sur le thème accéder aux grands parcs urbains dans la ville de demain a été conçue à partir d’ingrédients classiques revisités autour de l’insertion de l’atelier de codesign prospectif. Ainsi, les colloques « transport urbain » des EJC comprenaient traditionnellement, comme dans les colloques professionnels, une « visite technique » lié au thème. Cette visite est devenue en début de journée un parcours commenté du Parc Jean Drapeau, pour plonger rapidement les participants extérieurs dans le bain des enjeux du territoire et instaurer une coupure dans l’agencement du dispositif de production et partage de connaissances. Une table ronde, à la suite de la visite a permis de resituer les enjeux de développement et les solutions en termes de mobilité sobre pour le Parc jean Drapeau au regard d’autres expériences, notamment à Lyon, concernant la mobilité vers les parcs urbains et les espaces de nature en ville.
Enfin l’atelier de conception innovante et prospective Le parc Jean-Drapeau en 2037 : quels nouveaux usages, quelles nouvelles expériences urbaines et quelles mobilités ? a occupé toute une demi-journée. Il a demandé une importante préparation en amont menée par le Lab Ville prospective avec un comité de pilotage de la SPJD pour :
- Élaborer une base de connaissance prospective à partir de tendances innovantes sur les styles de vie, les usages des parcs et les scénarios de mobilité ;
- Concevoir un jeu sérieux générateur de scénarios déclencheurs pour l’atelier. Cette méthode permet aux participants de se projeter dans un temps limité dans des contextes inédits à l’horizon 2037 et de mobiliser leurs connaissances pour construire des scénarios cohérents.
L’atelier proprement dit se déroule en 3 temps :
- Introduction (Mots d’accueil, diagnostic initial, base de connaissances prospectives, Présentation du jeu de cartes prospectif permettant de générer des scénarios déclencheurs de discussions)
- Idéation collective (Travail par équipes en parallèle pour enrichir/modifier/contextualiser les scénarios déclencheurs). Chaque équipe devait préciser un scénario d’aménagement du Parc Jean Drapeau en 2037 et raconter ce scénario à travers l’expérience du parcours d’un usager.
- Séance plénière de présentations des scénarios 2037 par les équipes et discussion collective
- Éléments d’évaluation
Le dispositif du colloque n’a pas fait l’objet d’une évaluation spécifique, mais de nombreux commentaires recueillis par l’équipe d’organisation permet de tirer quelques enseignements, que je prolonge d’un avis personnel.
Les participants aux 2 journées ont tous exprimés beaucoup d’intérêt et de satisfaction envers la formule proposée. L’attrait de la nouveauté, et la curiosité envers les méthodes de codesign qui suscitent actuellement beaucoup d’intérêt en est certainement une des raisons. Mais un des points de satisfaction exprimé porte en particulier sur l’intérêt de la mutualisation entre la journée d’étude et le codesign, soit deux façons différentes de mobiliser et croiser des mêmes connaissances, en intensifiant l’apprentissage collectif. Cet intérêt est particulièrement renforcé lorsqu’il s’agit de traiter de thématiques émergentes (ville et transport dans la transition écologique et numérique) ou innovantes pour lesquelles les savoirs experts ne sont pas encore bien établis.
Les participants extérieurs, en particulier étrangers, ont beaucoup apprécié de se voir ouvrir un dispositif concret de réflexion stratégique menée à Montréal, auquel ils n’auraient jamais eu l’occasion de participer en temps normal, en en retirant une nouvelle expérience professionnelle ainsi que l’impression d’avoir été utile. Les représentants du Parc jean Drapeau et leurs partenaires parties prenantes ont également apprécié le degré d’ouverture inédit que cette participation extérieure a apporté à leur démarche.
La mutualisation/hybridation des modes de production et partages de connaissance me parait être l’intérêt majeur de cette expérience. Dans le cadre des EJC, la formule offre tout d’abord l’intérêt de profiter au maximum de l’interaction entre les participants venus de part et d’autre de l’atlantique, ce que le fait d’étirer sur plus d’une journée un colloque qui juxtapose des thématiques parallèles ne permet généralement pas. Par ailleurs le fait de partager pour la majorité des participants une même langue dans une diversité culturelle est particulièrement pertinente dans un atelier de créativité ou de codesign ou la diversité des expériences et la fonction narrative jouent un rôle essentiel.
La formule n’est pas facilement transposable en tant que tel. Notamment, l’organisation d’un codesign prospectif repose sur un important travail de préparation qui ne peut pas être financé à même l’organisation d’un colloque. Néanmoins, une bonne prospection en amont permettrait d’identifier parmi les partenaires ceux qui seraient intéressés à insérer en fonction de leur propre agenda un dispositif collaboratif et créatif de production de connaissances dans le cadre des EJC. Des méthodes ou dispositifs plus simples et suscitant moins de préparation en amont peuvent aussi être employés, dès lors qu’ils mobilisent d’autres modalités, à la fois plus créatives et plus appliquées de production et de partage de connaissance, que celui de la journée d’étude. Une mutualisation entre plusieurs colloques EJC peut aussi être envisageable. Néanmoins je rappelle que les liens d’interconnaissance approfondis entre les organisateurs québécois et français me paraissent une condition importante de réussite.
[1] Le colloque a été organisé par la chaire inSitu de l’UQAM, l’ENTPE (Université de Lyon), en collaboration avec le Lab ville prospective(UdM), le CEREMA (France) et la Société du Parc Jean Drapeau